J'ai besoin d'écrire ceci, j'ai besoin d'écrire, souvent. Je m'abstiens pendant de longues périodes, c'est difficile, mais le besoin est là, j’y pense tout le temps, ça fait partie de moi, de mon émancipation personnelle, de mon évolution, de moi qui grandit, en tant que femme. L'écriture est sporadique mais vitale dans ma vie. Depuis que j'habite dans le nord du Québec j'ai été contrainte de le mettre de côté pour ma propre survie mentale. Parfois, écrire est trop difficile, même de simplement lire, parfois la vérité de son propre gouffre intérieur fait trop mal. Il est plus sage de devenir morne. L’isolement est vicieux, l’isolement fait vivre des choses qu'on ne pensait jamais vivre, ou ne plus vivre. C'est ce qui vient de m'arriver. Mon contexte m'a fait vivre et accepter des choses qui dépassent ma création littéraire, qui dépasse la connaissance que j’ai de moi-même. J'aurais rie d'une façon bien grasse si tu m'avais dit ceci avant mon déménagement ; jamais je n'aurais cru pouvoir me rendre là encore, en ayant déjà eu la mauvaise expérience au début de ma vie d’adulte et en ayant déjà fait ces apprentissages à la dure de cette première relation amoureuse pittoresque, romanesque et brutale dans les vieux pays. En ayant la force, la maturité émotive et la confiance que j'ai aujourd'hui à 29 ans. Le recul et toute la connaissance que je peux avoir sur la violence conjugale. Ça ne fait aucun sens mais en même temps ça me ramène sur terre comme un verre d'eau glacé au visage pendant un rêve doux. Personne n’est à l’abri de vivre de la violence même si on croit en connaître les signes. On se croit toutes fortes et en fait on l’est souvent, mais on peut aussi avoir besoin de sombrer pour nous amener autre chose, parfois il suffit d’une seule faille ; avoir le besoin de combler un certain vide dans un moment précis sans même prendre conscience de sa propre perte imminente, sans même avoir conscience de notre prédisposition à vivre ce besoin d'une façon si drastique soit-elle. Je ne pensais pas pouvoir devenir quelqu'un d'autre à ce point. M'effacer, mettre un x sur ma bouche. Devenir muette, mais le pire ; le savoir, me voir aller, réaliser complètement du début à la fin ce qui se passe, mais continuer. Un suicide relationnel. Parce qu’au début de la vingtaine je ne le savais pas ; mais aujourd’hui, oh oui que je le savais que ça ne faisait aucun sens, que je ne méritais pas ça, que j’étais face à un être profondément malade qui allait me vider, m’utiliser, me manipuler, essayer de me détruire pour combler son propre mal de vivre, sa propre agressivité incontrôlée et dangereuse. Je ne suis pas partie comme je sais le faire normalement quand je sens que ce n'est pas pour moi, quand je sens que je dois partir pour me respecter, je ne m’engage même pas du petit orteil dans ce genre de relation.
Je n’arrive honnêtement pas à me l'expliquer. Mon cerveau est devenu de la gelée et je suis sautée dans le drame le cœur grand ouvert.
Chaque personne a son passé, ses forces et ses faiblesses, ses failles d'enfance, ses expériences, mais surtout sa capacité à apprendre, à se former, à faire la paix, à se définir comme individu, à solidifier sa personnalité, ses valeurs et s'y tenir. Devenir mature, ce n'est pas donné à toutes et tous, ça prend du courage, de l'acceptation. Être assez transparente et franche pour me voir tel que je suis, m'assumer dans ce que je suis mais dans ce que j'attends des autres. Je ne crois pas avoir toujours été respectueuse envers mes relations (amicale, amoureuse) mais aujourd'hui, depuis un certain temps en fait, je suis ailleurs, je me sens en symbiose, solide, je fais des choix pas toujours faciles, mais bénéfiques, j'ose la solitude et j'en suis profondément fière, c'est mon pouvoir sur ma propre vie, de vivre la vie que je souhaite et non celle dont la société s'attend de moi comme femme.
Je suis à un point dans ma vie, à un certain tournant, où j'ai confiance en moi de façon réelle et permanente, où je suis bien dans ma peau. Ça n'a pas toujours été le cas, je suis partie de très loin j'imagine, pas tant que ça quand je me compare à d'autres, mais quand même.
J'ai eu deux longues relations dans ma vie de jeune adulte. Une première sournoise, une deuxième douce. J'ai laissé tomber la douce pour vivre mon individualité. Je voulais aller ailleurs, m'épanouir, sortir de ma zone de confort. J'ai appris, j'ai grandis, j'accorde beaucoup plus d'importance aux relations sincères maintenant, j'essaie de ne pas laisser filer ces peu de gens qui tiendront vraiment à moi dans cette société froide et individualiste dans laquelle nous sommes, sans repères d'engagement, toutes et tous un peu perdus. J'ai fait un choix à l'époque qui était inévitable pour moi-même, et puis maintenant je suis prête. La solitude, reste qu'elle n'est pas facile, ni cette peur de s'être parfois trompée et de finir seule pour toujours. Mais la confiance en soi reprend le dessus.
Depuis ; de nombreuses fréquentations, peut-être un peu trop pour les prudes. Rien qui n'est venu me chercher, sauf une fois, qui s'est terminée de façon contextuelle, ainsi peut-être l’amour ; une question de circonstances. Mais surtout, je suis depuis trois ans, lucide. Je ne m'engage pas dans ce qui ne me convient pas, je vis ma vie, je reste un individu à part entière, je ne me perds pas dans cette idée qu'il faut être en couple pour exister. Je crois profondément que les relations qui ont le mérite d'être positives et solides, dans laquelle les deux personnes grandissent, s'appuient, s'admirent, et ne tombent pas dans une relation de rôles inégaux, de petites manipulations, d'insécurité mal placées, de dépendance, sont vraiment très rares. La plupart des couples que je connais ne la vivent pas malheureusement. Peut-être suis-je trop sévère et juge extérieur facile ; mais c'est ce que je crois. Je crois en l'amour, mais je ne veux pas être en couple pour être en couple et cette idée est en moi et se traduit dans mes choix de vie et explique que pendant trois ans aucune relation n'a été au-delà de la fréquentation. Forcer la vie pour la forcer ; forcer un faux amour pour être amoureuse de l'amour ; ce n'est pas pour moi et j'en suis fière.
Et puis me voilà, sur ce médium d'écriture que je n'utilise presque plus, la fille émancipée sexuellement et émotionnellement ; en traumatisme devant mon portable, me sentant obligée d'écrire pour me libérer parce que je ne sais pas comment le faire.
Je viens de vivre cinq mois de violence psychologique et je ne comprends pas.
J'étais en souffrance de mon isolement, en profond questionnement sur ma vie professionnelle, en conséquence de plus d'un an de solitude ; j'étais vidée. Je ne voulais pas “dater”. Je me rappelle très bien m'être dit : si ça se passe mal je ne serai pas capable de le gérer. Et puis je me suis donnée une chance de vivre quelque chose de positif dans cette vie qui n'est véritablement pas la mienne ; je l'ai rencontré. J'ai été jeté à terre par notre complicité versus aucun point en commun. Je suis tombée en amour sur le champ. Rapidement ; la défécation chaude arriva mais il était trop tard, j'étais incapable de le gérer. Incapable de partir au moment où j'aurais dû partir c'est à dire après plus ou moins deux semaines quand je l'ai entendu pour la première fois nommer sa vision préhistorique des rôles de l'homme et de la femme et de me sacrer toute seule dans son salon dès que j'ai répliqué.
Entre ce moment et sept mois plus tard ; un voyage au Mexique au milieu fausse lune de miel, des projets de déménagements et d'engagement qui n'ont jamais eu lieu merci petit Jésus ; me voici qui écrit enfin.
En ce moment j'expérimente un état qui m'était encore inconnu jusqu'à maintenant ; celui de la haine. J'ai eu des déceptions dans ma vie, mais je n'ai jamais haïs de tout l'intérieur de mon corps quelqu'un comme présentement. Je sais qu'un humain peut profiter de la faiblesse de l'autre, parce qu'il ne se respecte pas lui-même. Mais je ne pensais pas vivre ça, je ne voulais plus vivre les conséquences du mal des autres, je me pensais capable de m'en éloignée émotionnellement. Je me déteste parce que j'ai été faible et je le savais depuis le début que j'étais faible, que je ne voyais rien parce que je voulais bien ne rien voir mais que je voyais tout. J’ai une profonde envie de saccager physiquement mon appartement par exemple, de jeter au bout de mes bras ma belle table vintage par la fenêtre (essayer) et détruire quelque chose. Mais ça serait un projet un peu trop ambitieux. Ce n’est même pas contre cet individu que je méprise, je suis suffisamment intelligente pour comprendre réellement ce que je viens d’écrire. Mais sans mettre le doigt sur l’élément précis ; quand j’y pense, la haine, le malaise et le dégoût m’envahissent. J’ai envie de pleurer et de crier des mots mais je ne sais pas lesquels.
J'entends déjà les voix se lever ; tu as été manipulée, tu as été prise en faiblesse parce que tu étais tombée amoureuse.
Oui.
Je suis tombée amoureuse d'un suicidaire, misogyne et menteur et je le savais qu'il était suicidaire, misogyne et menteur mais j'en suis tombée amoureuse quand même alors que dans le passé j'ai jeté pleins de garçons qui le torchaient de loin en terme de qualité et de bonté.
Pourquoi ?
J'entends souvent des gens nier leur dépendance affective, faire comme-ci le célibat leur plaisait. Mais moi ce n'est pas le cas. Je suis réellement bien seule, je préfère vivre ma vie à part entière et ne pas être dans l’ombre d'un autre seulement pour exister de façon plus facile. Je préfère laisser ma porte ouverte à une personne merveilleuse si elle se présente. Je veux croire en l'amour, un jour. C'est bien sûr primordial fleur bleue que je suis. Mais vivre mon individualité me plait, je suis heureuse ainsi, mais je me suis transformée pendant quelques instants en cette femme éprise dans un cercle de violence psychologique et j'ai failli ne pas en ressortir. Je sais que j'ai failli y rester prise et changer pour le pire.
C'est épouvantable.
Ma brillance peut énumérer ici, toutes les fois où j'ai vu ses mensonges, les plus bidons les uns que les autres, des mensonges quotidiens et compulsifs, toutes les fois où je savais qu'il m'était infidèle, du moins virtuellement, toutes les fois où j'ai entendu des commentaires absolument horribles venant de lui versus mes valeurs personnelles. Toutes les fois où je l'ai attendu, où j'ai été jeté sans raison, où j'ai reçu de grandes promesses contradictoires de ses comportements, des mensonges mêlés de manipulation pour diluer la gravité de ses actes, et autre, parce que je pourrais en raconter des pas belles mais ce n'est pas utile dans mon cheminement d'étaler le malsain plus qu'il ne le faut. C’était laid, c'était évident, ça faisait mal, souvent. Je vivais dans l'attente, l'insécurité, la précarité, le rabaissement subtile de ma personne, comme si la vie avait basculée, comme-ci tout dépendait de lui cet inconnu qui sautait du coq à l'âne et qui se contredisait comme je n'aurais jamais cru pouvoir le concevoir tel un bipolaire de l'amour. Mais je l'aimais quand même.
Je suis fragilisée et je sais que si ce texte tombe entre ces mains, il sera fâché et il discréditera mes propos. Un classique de la parole de la femme folle non crédible versus l'homme dominant qui attire le respect d'emblée. Cet homme que j'ai vu frapper dans le mur à plusieurs reprises dans des moments qui auraient dus susciter des émotions normales ; ne sachant pas comment les vivre. Cet homme qui, je sais, s’est senti menacé et désemparé par ma sexualité assumée, par mes valeurs féministes, pars ma capacité à lui nommer ce qui ne faisait pas de sens au lieu de l'attaquer et grimper avec lui. Je peux au moins conserver ceci ; j'ai été celle que je suis quand j'aime ; dans l'empathie, la compréhension, la tentative de communication. Mais aussi dans le déni d'une partie primordiale de moi-même ; revers douloureux et sans souffle. Comment l’humain peut, à ce point, faire vivre du mal autour de lui. Comment l’humain peut à ce point vivre une vie négative, de mensonge, d’abord envers soi-même. C’est d’une tristesse sans nom. J'ai choisi la facilité de ne plus me connaître et de me laisser entraîner dans son gouffre. Au lieu d'être un renforcement positif au mien, de me faire découvrir une vie dont je ne veux pas mais qui aurait pu être un baume ; j'ai doublement sombré, pour mieux me relever. Je suis comme ça au moins, si je vais mal, donne-moi plus d'obstacles et tu vas me voir me réveiller ; merci petite tannante en robe les genoux pleins de bleus à jouer dehors que je suis encore dans mon cœur.
Je commence simplement à avoir atteint ma limite.
Ce qui me fait mal, c'est de ne jamais avoir repris ma place. Mon silence est certainement le plus efficace face à un être violent, car de me défouler serait de la matière gratuite pouvant être retournée contre moi et ça n'en vaut juste pas la peine. Mais une partie de moi a besoin de me prouver à lui, un autre cliché réel. De savoir que quelqu'un m'a manqué de respect à ce point et que je l'ai laissé faire en continuant d'offrir mon amour et mon empathie ; ça me dégoûte, me répugne, me tue. Je n'ai pas honte d'avoir été faible mais je vis un sentiment que je n'arrive pas à nommer. Ça m'a atteint. Ça me fait paniquer de ne pas pouvoir saisir ce dommage que ça m'a fait. Ça me rend agressive dans mon ventre.
Je pense à toutes ces jeunes filles qu’il manipule sur Internet et j’en ai mal au dos. Je pense au fait que Tinder et une amie du plateau ont croisé par hasard son chemin et ses écrits n’étaient que mensonges. D’y assister, c’était effroyable. Les gens n’apprennent pas tous de leur vécut, les gens continuent leur spirales d’autodestruction et on ne peut rien y faire, sauf partir.
Je ne peux rien y faire.
Je ne crois pas qu'on se remet de ce genre de relation ; je comprends maintenant que c'est isolé, comment ne plus y être prédisposée et ça commence par faire des choix pour me sortir de l'isolement. Il y a des limites à être une superwoman.
Je n'ai pas envie de mourir mais je me demande sincèrement pourquoi est-ce que j'essaie d'aider mon prochain, pourquoi est-ce que je crois plus en les autres qu'eux-mêmes ne le font. Je me demande pourquoi je vis. Après tout ceci je continue au fond de moi d’avoir un sentiment d’empathie/pitié maintenant, pour lui derrière ma haine et je ne me demande pas pourquoi.
Il est mieux de vivre dans l’acceptation de l’autre et de ses limites plutôt que dans la haine et ce processus, il sera long. Accepter que l’autre ne se prenne pas en main, qu’il continuera de se gâcher et de gâcher les autres qui l’entourent. Que le bourreau est aussi sa propre victime et que la société en est aussi responsable. J’aurais envie d’acheter un camion qui le suivra dans toutes ces allées et venues pour le reste de sa vie avec un signal lumineux de prévention pour les femmes ; Tenez-vous en loin ! Il est attachant cet être mystérieux et drôle, mais il va vous faire du mal. Derrière le mystère il n’y a rien, c’est le vide suicidaire. Vous ne réussirez pas à le sauver car il ne souhaite pas se sauver lui-même. Les femmes ne sont pas sur la terre pour sauver les hommes, ce mythe de l’homme perdu et sauvage et la femme aimante qui va le sauver ; ce n’est pas romantique, c’est dangereux, c’est patriarcal. (Pleins de lumières de couleurs qui flashs avec un bruit assourdissant et insupportable et une odeur de pourri en prime ; activons trois sens d’un coup). Mais ça serait un projet trop ambitieux.
La chose sur laquelle j'ai du pouvoir en ce qui concerne cette horreur de relation c'est de le dire, d’en parler, de la mettre sur un piédestal comme tentative de rédemption ; j'ai été fragile et humaine et j'y ai cru parce que j'avais besoin d'y croire à ce moment précis et ça m’est arrivé même si je me considère être une femme forte et indépendante.
Mais surtout, je vais reprendre mes écrits plus hauts ; ce n’est pas un signe de faiblesse.
Je le sais, mes amies le savent, le savaient, elles sont soulagées, moi aussi, et c'est correct, correct dans le sens, ma vie va continuer et je reste celle que je suis même si la blessure sera là, mais c’est loin d’être correct pour les relations hommes-femmes, pour le bien-être collectif, pour la dignité, pour l’égalité. Loin d’être correct pour l’éducation, surtout en région éloignée. Loin d’être correct / c’est vraiment inquiétant, parce que mon histoire elle, elle n’est pas isolée, elle est très commune, et elle est pire, dévastatrice et pénible pour de nombreuses femmes et enfants.
J'aurais pu aussi tomber sur une belle histoire et ça, ça n'aurait pas fait de tort à mon cœur isolé.